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et programmations urbaines

Le thème proposé cette année est Mémoires et programmations urbaines. Il s’agira pour les étudiant-e-s et leurs enseignant-e-s d’analyser, à partir du cas emblématique de la commune genevoise de Carouge, petite ville à la fois singulière et insérée  complètement en tant que quartier dans l’agglomération genevoise, de comprendre la façon dont les mémoires collectives (pour reprendre l’expression de Maurice Halbwachs (1950)), c’est-à-dire à la fois les « cadres sociaux de la mémoire », populaire ordinaire, et leurs traces dans l’espace construit, contribuent à « fabriquer de la ville », non seulement dans le présent, en ce qu’elles parviennent à préserver par le souvenir des formes anciennes de la ville, mais aussi dans le futur, en ce qu’elles permettent de projeter à partir du souvenir. D’un point de vue théorique, ces questions s’appuieront sur les écrits fondateurs de André Corboz sur Carouge et sur le concept de palimpseste, mais aussi sur ceux plus récents de paysagistes, d’architectes, de sociologues et de géographes ayant travaillé sur Carouge et Genève.

Rapportée de manière plus générale à toute ville et tout espace construit, l’idée fondamentale que nous défendons dans cette UE est
qu'il est nécessaire, pour que les transformations urbaines ne résultent pas de la seule imposition des acteurs publics ou des entreprises privées, mais aussi des pratiques sociales et spatiales les plus ordinaires de tous les habitants et usagers permanents ou
éphémères, - indispensable même, de « convoquer » toutes les mémoires sociales à participer dans le présent à la programmations de telles transformations. Qu’il s’agisse effectivement de la production d’espaces XXL ou XXS, la prise en compte politique et scientifique des mémoires collectives dans leur rapport au processus d’urbanisation détermine fortement les conditions d’un développement urbain durable réel, c’est-à-dire autant matériel que social. Alors que le passé, dans le projet moderne, la mémoire individuelle a été considérée comme un moyen de (re)créer de la valeur foncière par l’invention d’un patrimoine historique reconnu, la mémoire collective, est désormais un des principaux éléments de projets urbains novateurs, en vue d’une nouvelle transition urbaine plus démocratique.
En amont de ces débats, nous proposons de questionner sur trois plans les liens entre une « politique de la mémoire » encore largement à inventer et le développement social de la ville: (1) apaisement des relations entre passé et futur, (2) participation des habitants (dans cette perspective, nous ne considérons pas les mémoires collectives comme des biens symboliques, mais comme le moteur d’une politique de la ville devant choisir en permanence ce qu’il faut détruire et ce qu’il faut sauvegarder pour qu’une ville demeure à la fois dynamique et habitable), (3) capital social et d’intensité urbaine (en termes d’appropriations, d’urbanité, de sociabilités etc.).